Le pays BasQue et la catalogne n’ont pas le monopole de la gastronomie espagnole. À denia, au sud de valence, QuiQue dacosta surprend avec une cuisine locale moderne, récompensée de trois étoiles au michelin. et racontée avec passion par son créateur.

 

 

Les Français connaissent surtout la cuisine espagnole du pays BasQue et de la catalogne. Quels sont les produits de la province de valence Qui pourraient changer la donne ?

La gamba roja de Denia est une merveille. J’ai créé 26 plats de gambas depuis le début de ma carrière. Cette variété de crevettes possède une couleur rouge caractéristique et une saveur incomparable, due à son alimentation et à son habitat à 600 mètres de profondeur, entre le cap de San Antonio et Ibiza. Le jus pourpre de la tête n’a besoin de rien pour être succulent. Ici, le riz est également fondamental : je servais il y a quelques années un arroz socarrat, le riz croustillant qui reste accroché à la paella (la poêle traditionnelle de la province de Valence). Cette année, dans mon menu intitulé Fronteras, le riz de la variété Gleva est préparé dans une version brute : un arroz accompagné d’herbes séchées et un foie de lapin.

Qui sont vos sources d’inspirations ?

Michel Guérard et Georges Blanc ont été les deux premiers chefs dont j’ai possédé les livres.

Ils sont pourtant très éloignés de votre style de cuisine!

J’ai toujours été proche de leur philosophie, même si le soinapporté au visuel était à des années-lumière de la culture de latable espagnole. Leur rapport à la terre me parlait : ils chassaient,pêchaient. Il y a vingt-huit ans, à mes débuts dans ce métier,je cuisinais pour gagner ma croûte, sans ambition de devenirprofessionnel. Je suis arrivé à Denia pour devenir DJ ! A l’époque,cette ville balnéaire était un petit Ibiza. Les bateaux qui partentpour les Baléares ne sont qu’à 6 kilomètres du restaurant.

Quelles analogies voyez-vous entre ces deux métiers?

La transformation. En cuisine, on crée des sensationsà partir de matières organiques brutes. Comme le DJqui transforme des sons et crée une musique à partird’instruments électroniques.

Votre approche s’inscrit dans la lignée de la cuisine« techno-émotionnelle » créée par le pape de la cuisinemoléculaire, Ferran adriÀ. six ans après la Fermetured’el Bulli, Que devient ce mouvement?

La cocina tecnoemocional est un terme inventé parles journalistes vers 2003-2004 pour décrire le mouvementde la cuisine d’avant-garde espagnole. Le problème, c’est qu’enassociant technique et émotion, il a réduit cette cuisine à cesdeux concepts. Aujourd’hui, on parle en Espagne de « post-avantgarde». Pourquoi pas? Mais qui sont les cuisiniers qui l’incarnent ?On dit que la technique est moins présente. C’est faux : simplement,elle se voit moins.

Quelles seraient les grandes règles de votre cuisine?

Je suis le fils de la tradition française, je participe à l’avant-gardeespagnole et je me nourris de l’approche nordique. Cela dit, il faudraits’assurer que ces trois cuisines soient vraiment différentes.Les règles sont les mêmes : la qualité du produit, le juste pointde cuisson, le respect du terroir. Je n’ai rien changé à ma cuisinedepuis quinze ans. Entre 65 et 80 % des produits proviennentde la région. Ils m’inspirent et me nourrissent intellectuellement.